Le fossé entre les musulman(e)s et la classe politique n'a jamais été aussi grand. A l'heure où l'actualité locale et internationale soulève tant de questions, les unes plus complexes que les autres, nos « religieux » peinent aussi à y apporter un certain éclairage. Les professionnels musulmans, comme certains qui sont dans le commerce, ne sont pas d'un grand apport à cette communauté qui ne se retrouve pas dans une vision commune quant à son avenir.

Les associations musulmanes font du bénévolat, au mieux, s'ils ne sont cloisonnés dans la défense de leurs petits territoires. Les « roders bouts » ne manquent pas. Il y aussi une masse silencieuse quasiment passive qui se contente de prier entre deux assiettes de briani, ou deux matches de foot, en espérant que les choses vont s'améliorer. La moitié féminine de la communauté s'affirme difficilement au nom de l'islam, malgré l'émancipation qu'elle a connue au fil des générations.

Certains font rêver les musulmans en évoquant un califat ou un leader qui viendra les sauver, d'autres ont tout simplement perdu tout espoir. L'instrumentalisation des sentiments « communalistes », ajoutée à un contexte local et international hautement polarisé, risque de pousser de nombreux musulman(e)s dans un ghetto virtuel. Les média aident beaucoup en cela, y compris les réseaux sociaux, privilégiant trop la superficialité et le sensationnalisme.
Que faire face à une situation pareille ? Surtout lorsque toute démarche collective peut paraitre suspicieuse. Comment s'en sortir lorsque nous sommes asseznombreux mais pas unis, informés mais pas suffisamment éduqués, des fois riches mais pas toujours solidaires, potentiellement puissants mais incapables dans les faits ? Que faut-il espérer quand les pays musulmans sont loin d'être des modèles, surtout lorsque nous regardons à leurs têtes ? Et que dire de l'islamophobie d'ailleurs qui n'a de comparable que les crises politiques, sociales et économiques qui secouent le monde ? D'ailleurs, tout est lié à l'heure de la globalisation.

Les gens sont dégoutés. L'indignation ne fait qu'accroitre de jour en jour. L'anarchie s'installe doucement, sinon elle s'impose même à droite et à gauche. Les cyniques sont un peu partout. Avec la libération des média, tout est critiqué. Faut-il espérer ? Peut-on avoir un « vrai sanzman » ? Y-a-t-il une alliance qui sauvera le pays ou le monde ? À écouter les dirigeants d'ici et d'ailleurs, et surtout en les voyant agir, on craint le pire.

La vérité est, sans doute, que nous nous sommes trompés. Les hommes, les politiciens, les « religieux », les riches, les lois, les institutions, en bref, le monde en soi, ne méritent pas d'être l'objet de tous nos espoirs. Il n'y a rien à attendre de ceux qui veulent contrôler les pouvoirs, les savoirs, les avoirs de ce monde, et des gloires et plaisirs qu'il procure. Ils ne peuvent que nous décevoir. Ce n'est pas qu'ils ne doivent pas exister, mais il ne faut pas en faire notre espoir obsessionnel, voire notre finalité. Ce ne sont que des moyens - limités, contraignants et imparfaits - comme est toute création humaine.

Désormais, la seule alliance qui compte, c'est celle avec soi-même. N'attendons rien des autres. L'intérêt de la communauté musulmane, de chaque musulman(e), de chacun(e) est fondé sur le respect des principes. Notre foi en Dieu exige de nous une indépendance et une libération vis-à-vis de toutes ces forces qui veulent nous utiliser. Face aux tentatives de manipulation de toutes sortes, une vraie éducation est essentielle. Mais notre façon d'être est ce qui fera la différence. Il nous faut incarner une éthique. Faire le bien, l'ordonner même et empêcher le mal. Il nous faut agir au service de tous les êtres et de toute la création. Dieu ne change pas l'état d'un peuple sans que ce dernier, ses femmes et ses hommes individuellement, ne fassent l'effort de se changer eux-mêmes.

Ne désespérons pas des autres mais agissons avec confiance. Chacun(e) doit s'engager là où il ou elle se trouve, selon ses capacités. Si l'action est faite pour Dieu, n'ayons donc pas peur du jugement de nos semblables. Ne perdons pas notre temps en regardant ceux d'en-haut. Cessons de devenir aussi des esclaves entre les mains de ceux qui décident ce que nous devons écouter, voir, penser, dire et surtout comment nous devonsréagir. Défendons et encourageons la vérité en toute objectivité. Promouvons tout ce qui fait la dignité de l'humain. Au lieu de l'émotivité et du va-vite, il faut appeler à une culture du sens et de la générosité. L'effort individuel pour les autres au nom de notre Créateur à tous.