Toxicomanie, « Un problème de santé à traiter et non un crime à réprimer
Dans son mémorandum déposé à la Commission d’enquête sur le trafic de drogue à Maurice, le Conseil des Religions fait ressortir que le « la toxicomanie est un problème de santé à traiter et non un crime à réprimer ». Les membres, représentant 18 dénominations religieuses à Maurice, réclament une politique claire des autorités en ce sens. Ils expliquent : « Il importe de traiter les trafiquants de drogue avec la plus grande sévérité devant la justice, mais il importe d’un autre côté de traiter les toxicomanes comme des personnes demandant un traitement de réadaptation et non comme des personnes qui méritent un emprisonnement systématique. »
Rédigé par Belall Maudarbux, du Conseil des Religions, le mémorandum comprend des observations faites par les membres au sujet de la situation prévalant dans le pays s’agissant de la drogue. Mention est aussi faite des diverses initiatives entreprises par les représentants religieux pour lutter contre ce fléau. Et en dernier lieu, des requêtes et propositions sont faites.
Le Conseil des Religions note « avec préoccupation » le taux d’abus de drogue en milieu scolaire, particulièrement dans les établissements secondaires et tertiaires. Il souligne de plus « la propagation de drogues synthétiques au niveau des collèges et « la facilité avec laquelle de telles substances sont concoctées ». Le conseil constate par ailleurs un manque de divulgation complète concernant toutes les personnes étant en contact avec les élèves. Ils estiment qu’un simple certificat de moralité ne suffit pas pour ceux travaillant avec les jeunes. « Les dealers sont des criminels. Mais les toxicomanes sont des êtres psychologiquement vulnérables, avec des souffrances existantes. Il est donc de mise pour les autorités de changer leur approche en “shiftant” d’une attitude de répression vers une attitude de dissuasion. »
Les membres réclament une politique claire du gouvernement selon laquelle la dépendance à la drogue est un problème de santé à être traité, et non à être puni. En sus de cela, ils demandent la mise sur pied de centres de réhabilitation où les toxicomanes, après évaluations médicales, pourront se rendre sur une période déterminée pour être réhabilités, et par la suite réintégrer la société. Ils souhaitent aussi l’amendement des lois relatives à la drogue pour que les trafiquants soient traités avec la plus grande sévérité par la loi et pour que les dépendants soient réhabilités. Le Conseil des Religions demande qu’une étude soit entreprise par les autorités concernées dans toutes les institutions éducatives afin de jauger de l’étendue du problème, de mieux cerner le profil des trafiquants et des dépendants, de mettre en avant les facteurs de risques, d’évaluer les faiblesses dans la détection et les mesures à être prises, ainsi que de soumettre un rapport annuel public sur le progrès des mesures prises.
Les membres sont aussi d’avis qu’il faut un Children Welfare Officer dans chaque établissement scolaire qui gérerait les problèmes psychologiques des élèves. Ils se disent en faveur d’une politique de divulgation complète d’informations sur les personnes étant en contact avec les jeunes et pour la promotion d’une culture de transparence au niveau de la direction des établissements sur de tels problèmes, « et non une culture de “cover-up” ».
« Des drogues synthétiques fabriquées dans les labos des collèges »
Belall Maudarbux, consultant en gestion des programmes pour le Conseil des Religions, a indiqué, en réponse à une question du représentant du Parquet, Shah Nawaz Namdarkhan, que « dans certaines des institutions confessionnelles qui tombent sous notre responsabilité, des drogues synthétiques ont été fabriquées dans les labos des collèges… »
Le représentant du SLO, Me Shah Nawaz Namdarkhan, interrogeait M. Maudarbux quant à la « facile accessibilité des drogues dans les établissements », évoquée dans sa déposition. « Nous avons surtout noté la présence certaine et une recrudescence des nouvelles drogues synthétiques dans les établissements confessionnels tombant sous notre responsabilité », dit le représentant du Conseil des Religions. Et d’expliquer que « nous avons même eu des cas d’étudiants qui ont utilisé les laboratoires des collèges pour fabriquer des mixtures utilisées ensuite comme des drogues synthétiques ». « Bien que nous ne puissions dire avec précision quels étaient les ingrédients utilisés par les étudiants, nous pouvons affirmer qu’ils ont trompé la vigilance des enseignants pour réaliser leurs petites affaires. (…) Ces produits sont présentés à des prix défiant toute concurrence — trois ou quatre étudiants qui cotisent et le tour est joué ». Il devait donner l’exemple d’un cas « il n’y a pas plus de deux semaines, dans un collège d’État qui plus est, où des étudiantes ont été prises de malaises après avoir consommé des produits qui leur avaient été vendus par des membres du personnel non-enseignant du collège ».
Relançant M. Maudarbux sur la raison pour laquelle le Conseil des Religions doit se cantonner à agir uniquement dans les « faith based institutions » et non les collèges d’État, le Chairman de la Commission Paul Lam Shang Leen devait proposer que « puisque quand vous suivez les procédures normales, vos demandes n’aboutissent pas, demandez audience directement à la ministre de l’Éducation ».
Le Conseil des Religions a également souhaité que la Students’ Behavior Policy élaborée par le ministère de l’Éducation récemment soit revue, « car elle contient à peine des détails sur ce qui devrait être fait quand on se retrouve avec des étudiants qui consomment des drogues, à part une phrase que nous jugeons discriminatoire : les référer à l’ADSU ».