Mon historique
1er septembre 2008 ; veille du Ramadan ; une date qui aurait certainement dû être spéciale, mais qui pour moi a été glaciale.
En sortant de la mosquée ce soir-là, malgré la fine averse, rien ne présageait que ma vie allait basculer à tout jamais. Une banale chute m'a rendu quadriplégique. Jusqu'à ce jour, je revis cette scène dans ma tête. Cette scène où je me cogne la nuque sur l'asphalte. Cette scène où des dizaines de gens m'entouraient, mais où j'arrivais à peine à prononcer un mot. Cette scène où j'ai perdu tous mes moyens. Et j’en passe.
Le verdict tombe deux jours plus tard : je souffre d'une fracture cervicale et les médecins du public sont pessimistes sur mon sort.
S'en suivent alors des mois cloués sur un lit d'hôpital avec une minerve au cou. Les jours passaient et je demeurais inerte. Si vous voulez une métaphore sur mon état d'alors, imaginez ce que ça fait de voir un moustique se poser sur votre visage et ne pas être en mesure de faire quoi que ce soit face à ce minuscule insecte.
En toute fin d’année, je regagne la maison, mais sans pour autant avoir une feuille de route. Livré à moi-même, je tente de rester optimiste et entame des démarches pour en savoir davantage sur mon cas auprès des services médicaux privés de l’ile. Grâce au soutien indéfectible de ma famille et de mes amis, je mets le cap sur la Grande Péninsule en 2010 pour subir une délicate intervention chirurgicale. Toutefois, celle-ci n'a pas été possible dû à une déficience respiratoire. Le personnel médical en Inde me préconise alors la physiothérapie à plein temps. De retour au pays, j'entreprends des séances à l'ex-Appollo Bramwell Hospital. Cela a duré 5 ans. Durant cette période, j'avoue avoir fait d'énormes progrès. J'arrivais à marcher à l'aide d'un déambulateur, à manger de mes propres mains et à me brosser les dents. Pour certains, ces choses peuvent paraitre tout à fait banales, mais à mes yeux, ça vaut de l'or.
En 2015, faute de moyens financiers, j'ai dû stopper les séances au centre de réhabilitation de la clinique. Ma femme et mes deux fils ont pris le relai à la maison au meilleur de leurs capacités. Certes, au fil des années, mes petits accomplissements commençaient à mincir. Je n'arrivais plus à faire les quelques pas dans ma demeure à Cité Martial et par conséquent je perdais petit à petit mon infime autonomie. Dur à encaisser !
Depuis environ deux ans maintenant, je me rends sur une base hebdomadaire au centre de rééducation du Century Welfare Association. J’avoue que l’apport du personnel sur place m’est très bénéfique. Composée de professionnels en physiothérapie et ergothérapie, discipline d’ailleurs peu connue à Maurice, cette équipe fait preuve d’un dynamisme et d’une dévotion remarquables envers les patients. Outre ces qualités distinctes, j’admire franchement la patience en eux, surtout celle des « Two sisters rehab ». D’autre part, je dois aussi beaucoup au Dr Jhuree qui me rend visite à domicile, mensuellement, sur ordre du Ministère de la Santé. À mes yeux, ce jeune médecin étale toute la noblesse du métier dans l’exercice de ses fonctions et il m’offre surtout un « booster dose » de confiance à chaque rencontre.
Mon quotidien
Assis sur mon « sofa rotin » en étant dépendant à pratiquement 100% ; c’est ainsi que se déroulent mes journées. Mon épouse et mes deux fils me changent, me douchent, me brossent les dents, me font à manger…bref la liste est longue. Durant ces treize dernières années, ma petite famille a été pour moi un point d'ancrage. Munie de son cœur en or et de sa patience hors pair, ma femme Yasmine demeure en permanence à mes côtés. Il m'est pratiquement impossible de mettre en mots sa dévotion quotidienne à mon égard. Certainement, seul Allah s.w.t pourra la récompenser à sa juste valeur. Quant à mes deux fils, Suhail et Uzhair, ils ont traversé leur phase d'adolescence à celle d'adulte tout en prenant soin de moi. En vrai, ma famille ne m'abandonne jamais…comme mes fidèles amis d'ailleurs. On dit qu'on reconnait une vraie amitié dans les moments les plus difficiles. Croyez-moi, je peux vous témoigner cet adage en toute sincérité. Je ne vais certainement pas vous citer de noms, mais mes vrais amis se reconnaitront.
Aujourd'hui on est déjà en 2022…bientôt 14 ans depuis mon accident.
14 ans de dépendance ! 14 ans de combat ! 14 ans d’espoir !
J’ai désormais 57 ans, je ne marche pas, mais je crois toujours que j'y parviendrais à nouveau. J'avoue que ce n'est pas chose facile, mais me lamenter sur mon sort n'aboutirait à rien. Je ne renoncerais point. Je rêve de refaire ces quelques pas chez moi. Et oui, je connais mon corps, ma condition, mes limites...je ne me fixe pas d'objectifs déraisonnables. Je suis réaliste, mais optimiste !
Que mon récit vous inspire !
Ma vie
Mon histoire
Mohamad Lidialam